mercredi 17 janvier 2007

Alors qu’il pleut en janvier à Nairobi et qu’il fait chaud à Montréal…


Voici un texte écrit par ma collègue Angela. De Nairobi, à tour de rôle après avoir partagés nos émerveillements, angoisses et émotions, chacun écris sur la journée. Voici ses réflexions suite à la journée d'ouverture du FMTL hier. N'hésitez pas à nous envoyer vos commentaires. Nous y répondre si Internet le permet.


Cette nuit, il a plu très fort ici à Nairobi. Le matin était frais et humide, mais les kenyans s’inquiètent. Pas normal qu’il pleuve en janvier. L’herbe est verte alors qu’elle devrait avoir séchée, de même qu’à notre départ, les rues de Montréal étaient plus grises que blanches.

Ce fut aujourd’hui l’ouverture du Forum Mondial de Théologie et Libération. Nous sommes à quinze minutes de marche du Centre carmélite où se tiennent nos rencontres. Ce fut un chemin fébrile, comme quand on sent que quelque chose d’important se prépare. La route accidentée et pleine de boue arrivait pile sous nos pieds, comme pour nous dire que le chemin sera comme ça : difficile et parfois salissant. Nous avons donc mis nos pieds en route, nos pas devenant de plus en plus lourd au fur et à mesure que la boue nous collait aux semelles...

La journée s’est commencée sous le rythme des chants et mouvements d’une chorale locale qui nous a rappelé notre tabou corporel. Nous avons prié, nous avons pris le temps de le faire avant un quelconque discours. Nous avons ensuite dit avec des mots, si bien composés, l’unité que nous recherchons ici pour le monde. En voici les premières phrases :

We call upon the earth and the sky to bear witness to the reverence with which we come… we present humbly in the name of all created things,… the earth our mother, …of the rivers and the great waters we crossed to get here, … of the deserts that bring peace and remind us of our vulnerability, of the sea and the sky which remind us of your greatness… we present ourselves to you… Yahweh, our God, the Father of all, the Creator, the Mother, the Nurturer, most holy and most dear.

Cet acte de dire « nous voici », de nous présenter à Dieu, à cette communauté internationale, fut un don extraordinaire. Nous entendre, nous présenter les uns les autres, humblement et en communion avec la terre, tous là avec tout ce que nous sommes… il fallait que ça commencer ainsi, il faudra que nous le refassions continuellement. Notre mantra commun : « I am somebody and I can do something. »

Cette prière, de même que les présentations qui ont suivi pendant la journée, étaient en anglais et cela a suscité un fort questionnement parmi nous, les six délégués du Québec, qui avons vécu cette situation de manière particulière. Nous en avons longtemps parlé et la question de la langue hégémonique surgit inévitablement. Ce fut une occasion de commencer ce forum en nous situant, ou en essayant du moins de nous positionner. Nous voir, sensibles à cette lutte qui nous est propre au Québec, fut unificateur. Et aussi, le fait de nous rappeler que la langue de chacun a une immense valeur devrait nous amener à nous solidariser avec ceux à qui on tente de l’arracher. La question, pour nous en tout cas, demeure ouverte…

Alors que tous se sont déplacés pour que nous nous retrouvions ici, ensemble nous nous demandons encore : que faisons-nous ici ??? Plusieurs pistes se dessinent ; les idées de réseautage et de renforcement de nos espérances semblent importantes. La diversité des personnes ici présentes illustre la diversité de nos luttes qui peinent à se rencontrer. Il y a tant de questions urgentes dans le monde mais l’exercice de priorisation des luttes semble nous essouffler, parfois nous diviser. Comment retrouver le souffle, dans chaque expérience, et comment solidariser nos engagements ? Comme on se l’est demandé aujourd’hui, faisons-nous partie de la solution ou du problème ? Ou des deux ?

Et enfin, alors qu’il pleut en janvier à Nairobi et qu’il a fait chaud à Montréal ; alors que les Africains subissent sur leur continent les conséquences directes des changements climatiques ; alors qu’ils se demandent « Qu’avons-nous donc fait? » ; alors que nous prenons conscience de notre rôle dans leur sort, comment faire théologie ? Comment apprendre à penser ensemble une spiritualité pour un autre monde possible ? Il semble que nous arrivions tous dans l’espérance de découvrir comment chacun, sur son coin de planète arrive à y croire. Comment ? Je ne le sais pas exactement ; ensemble forcément. Mais est-ce possible ? Oui, oui, oui. C’est l’acte de foi que nous vivons ici. Croire que c’est possible.